My new Indian wedding


(Just the pitch in English, the rest in French: Where a joyous stylish wedding for teetotalers spread  over Southern India raises serious problems. Like violence against women, a well meaning but rushed monetary reform, harsh on poor peasants… and a ban on mass corridas.)

Où un mariage à épisodes en Inde du Sud -sans alcool, végétarien, mais bigarré, joyeux – conduit à de graves questions: violences contre les filles, réforme monétaire brutale, corridas à émeutes

NB En lisant ce blog vous pouvez déjà cliquer ici Concert traditionnel tamoul  et écouter un peu de musique du cru.

Les épousailles de Rebecca George, cousine par alliance, et d’Albert ont duré quatre jours en janvier entre Mumbai (Bombay) et la région de Chennai (Madras) à 1.100 km au sud.
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A rough map of India by JMS
Ce mariage réunit des familles aisées issues de l’élite chrétienne du Kerala (sud). Une minorité. Catholiques et surtout orthodoxes n’ont pas trop de complexes dans la masse hindoue (et musulmane) ni face aux chrétiens d’Occident car Saint Thomas, l’apôtre dubitatif, est censé avoir évangélisé le Sud dès la mort de Jésus Christ.

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Si  les mâles de la bourgeoisie indienne sont un peu tristounets dans leurs costumes sombres, la fameuse débauche de bijoux et saris multicolores se confirme : d’ailleurs la mariée chrysalide a effectué pas moins de six métamorphoses vestimentaires lors des différentes cérémonies.
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Enterrons sagement notre vie de jeune fille
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La mariée et la doyenne, Rachel, flying granny à 88 ans!
Dans ces familles éclairées, pas de dot. La loi l’interdit d’ailleurs, mais le fléau persiste largement. D’innombrables parents se ruinent pour marier leurs filles (voir plus bas): De l’argent, ou bien des voitures, un scooter, de l’or avant tout.
On est à cent lieues des mariages extravagants de super-riches, comme ceux des familles Ambani, Reddy (74 millions d’euros) ou Mittal (qui loua 12 Boeings pour marier sa fille dans un Versailles privatisé), de stars de Bollywood etc. Une députée du parti du Congrès (opposition) propose de limiter les dépenses fastueuses pour financer les mariages des plus pauvres (Le Monde 5/6 mars 2017).
Je songe bien sûr  à mon propre mariage il y a des lustres  dans le Lot avec Sheila, fille des Indes, chez Anne-Marie et Bertrand: des dizaines de femmes – les “bendukars” (expression en malayam pour désigner les parents par alliance, jusqu’au x ième degré…), mais aussi Maman, mes soeurs et amies au visage pâle –  s’étaient déployées en saris multicolores sur le petit village d’Escamps devant les éleveurs de brebis ébaubis.
Ici le mariage n’a pas été arrangé, comme c’est encore la règle quasi-générale en Inde, mais facilité par la modernité. Pendant que les deux soeurs Ria et Rebecca, poursuivaient leurs brillantes études puis carrière, la maman a fait des recherches sur internet (religion, famille, situation, etc.). Pré-sélection familiale donc, puis propositions aux filles qui ont eu le dernier mot…
L’heureux élu Albert, le dira d’ailleurs publiquement “thank you for having chosen me !”
Son nouveau beau-frère Joseph, me confie: “dans ce pays, vous devez appartenir à une communauté”, pour la religion, les liens familiaux, le soutien politique, etc.

Cérémonies: traditions culturelles, végétarisme et modernité 

Place au ballet de rencontres, prières, retrouvailles, fous rires et cancans, recettes de cuisine, repas nombreux, nuits trop courtes. A Bombay d’abord, veillée pour la famille de Rebecca, le lendemain, prières, mariage à l’église, puis un drôle de DJ de Goa qui met le feu. Enfin le grand dîner sur la terrasse d’un centre de conférence: les quelque 500 convives se ruent sur les mets de traiteur uniquement végétariens – des délices variés de tout le pays, ex. somosas, vegetable curries, dosas, apam, gulam jam, etc…. Pas d’alcool, mais soft drinks, lassis.
 Est-ce parce que l’Etat de Maharashtra, dominé par les nationalistes hindous, interdit l’alcool et le boeuf? “Non, me dit un organisateur du banquet, c’est plus sûr, et tout le monde est content, y compris les enfants”.

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Sur le coup de minuit la parentèle se retrouve au 11e étage d’une tour dans la cuisine de la belle-maman: il s’agit, selon une tradition kéralaise, de vérifier si l’époux a les moyens d’accueillir sa moitié et de lui faire chauffer le lait !
 La nuit suivante la noce se transporte par avions pour Chennai / Madras.
Puis de bon matin cap sur Camp Gloria, la belle campagne tropicale du père de la mariée “Thomaskuti” à Mahabalipuram. C’est presque le même tabac que pour la première noce végétarienne non-alcoolisée mais ici avec un peu de poulet. Chut, avec quelques “cousins”, je prendrai quand même des whiskies discrets et bienvenus le soir tombé…
Les familles hindoues de pêcheurs du coin sont venues féliciter Thomas et Molly, mère de Rebecca, qui aident une bonne école locale. Molly gronde gentiment les pêcheurs mâles qui ont laissé leurs femmes en coulisses. Celles-ci accourent illico. Musique traditionnelle tamoule avec shenai. Avant le clou jusqu’à minuit, la danse disco à la Bollywood, où s’illustre la mère de l’époux.
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https://www.youtube.com/watch?v=MAcOly95XL0

 

Du sexe des anges

La jolie soeur aînée Ria, 28 ans, architecte de haut vol dans le cabinet ayant réalisé le magnifique aéroport de Bombay avant de passer au management, est enceinte jusqu’au cou. Mais, vertu fort honorable, elle ignore le sexe du bébé ! Elle s’en fiche d’ailleurs: “I dont know, the screening is banned, we shall see”, dit-elle dans un sourire. (NB: tout va bien, rassurez-vous, Rachel Miriam, une belle fillette de 3,5 kg est née le 17 février)
Dans ce pays, l’échographie est en effet officiellement interdite bien que  largement pratiquée en soudoyant  des médecins.
Explication: en Inde comme en Chine (à elles deux, un tiers de la population mondiale) on préfère les fils car ils hériteront et s’occuperont des vieux parents. Chez les Indiens de surcroît les parents de la fille payent la dot. L’avortement après échographie conduit au “féminicide” avant ou après la naissance. En Inde il n’y avait plus que 914 baby girls pour 1000 baby boys en 2011. Dans l’enfance on accorde moins de soins aux gamines. Dès lors dans ces deux géants d’Asie (comme ailleurs au Pakistan ou en Arabie saoudite) des dizaines de millions d’hommes “excédentaires” ne trouvent plus à se marier.
 Ce déséquilibre des genres explique-t-il les viols spectaculaires ou les attouchements massifs du nouvel an à Bangalore (rappelant ceux de Cologne en 2016) qui font la une des journaux ?  Ou bien serait-ce le teasing permanent des  photos presque dénudées de femmes objets dans les journaux people, alors que la société indienne reste foncièrement puritaine ? Une  jeune journaliste (rencontrée à une escale d’Abou Dhabi) se dit écoeurée de son propre magazine de Bombay.
En tout cas,  une chose reste claire, la permanence millénaire du statut inférieur des femmes,  comme des castes, en dépit de gros progrès dans l’éducation.

 Sujet brûlant à la noce, une réforme monétaire bien intentionnée mais chaotique 

Décrétée abruptement en novembre dernier, avec une bureaucratie débordée, la “démonétisation”a désorganisé l’économie et gêné les particuliers – jusqu’au père du marié, pourtant banquier,  qui a eu du mal à réunir le cash pour financer la noce et qui manifeste de la compassion pour les victimes de la réforme.
Les deux plus grosses coupures, de 500 à 1000 roupies (environ 7 et 14 euros), ont été retirées du jour au lendemain, soit plus de 80% de la masse monétaire. Le but du gouvernement de Delhi est de réduire l’argent de la corruption et la fraude fiscale alors qu’une minorité d’Indiens payent l’impôt. A terme il s’agit encore de réduire l’économie souterraine et de passer à la carte bancaire pour tous.
Résultat immédiat, de longues queues pour échanger les anciens billets contre de nouveaux, des retraits en liquide limités, et une contraction de l’économie.
“Si les intentions sont bonnes à terme, cette digitalisation forcée va profiter d’abord à quelques compagnies. Dans l’immédiat, elle écrase des gens qui souffrent déjà. Certains vont mourir dans les longues files d’attente. Bien des paysans ne pourront acheter à temps leurs semences”, souligne un parent gardant l’anonymat. Et comment payer les ouvriers journaliers faute de cash ?
De quoi aggraver les trop nombreux suicides des agriculteurs endettés ou victimes de trop de mousson ou pas assez de pluies.
Or, note mon ami Ashok, le passage à la “monnaie plastique” est très prématuré pour les masses d’illettrés dans les campagnes, loin de des distributeurs bancaires, et habitués aux billets à l’effigie du mahatma Gandhi.  Pourtant l’inoxydable Narendra Modi, Premier ministre nationaliste hindou et moderniste, au pouvoir depuis deux ans, reste sans rival et populaire. A preuve la victoire écrasante de son parti BJP, annoncée le 11 mars dans l’Etat d’Uttar Pradesh (200 millions d’habitants).
Faisons quand même ce rappel spectaculaire, l’immense fédération indienne a réussi une révolution technologique en sept ans en dotant la quasi totalité des 1,3 milliard de personnes d’une carte biométrique universelle, dite “Aadhaar”, notamment pour distribuer les allocations sociales ! La justice a été saisie à propos de la protection des données personnelles.
 L’incroyable marche en avant d’un pays invivable
C’est à Mumbai/ Bombay que les contrastes auront été les plus marqués lors de mon court retour. Des heures de transports dans l’immense métropole où plus de 20 millions d’êtres vivent en hauteur ou dans des bidonvilles sur de longues vallées entre montagnes et océan. J’y retrouve les slums, la congestion irritante pour les bronches, le tintamarre des transports et des ruelles, la saleté, la puanteur des égouts. Mais aussi les effets du boom économique: plein de nouveaux gratte-ciels de bureaux et habitations, des centres commerciaux dernier cri, pléthore de ponts, un métro aérien, un superbe aéroport reprenant des architectures régionales, etc.
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Faute de place, des résidences en hauteur

Malgré la croissance continue en Inde (prévision en baisse à “seulement” +6,8 % en 2017), je songe aux écuries d’Augias. Car ce sera un travail d’Hercule que de sortir de centaines de millions de gens de la misère et de l’insalubrité malgré les freins d’une corruption généralisée, sans oublier la prégnance des inégalités de castes.
Christian G., Français “indolâtre” depuis près d’un demi-siècle, atteste des énormes progrès concernant le développement, les infrastructures. “Certes l’Inde est un pays dur pour tous, même pour les riches d’ailleurs” : Congestion, pollution, corruption. Mais quelle réserve de dynamisme, s’exclame-t-il !
Allez, on placera quand même un couplet pour rassurer le touriste potentiel effrayé de cette vaste Inde trop peuplée: on y trouvera pêle-mêle gentillesse générale, peu d’insécurité au final, incroyable variété et beauté, richesse des cultures, accès au calme des profondeurs (yoga, ayurveda, musique classique indienne)…

 Les convives s’éparpillent: “the world is their oyster” (le monde leur appartient)

Hyper-formés au pays et à l’étranger, ces chrétiens du Kerala tout comme l’élite hindoue, musulmane, parsie de la middle class émergente, bénéficient de l’atout du grand large anglophone. Gais noceurs, mais grands bosseurs dans le civil, ils repartiront qui à Toronto, qui chez Apple en Californie, à New York, en Australie ou à Lagos – comme traders, médecins, psychiatres, ingénieurs, commerçants. Sans oublier Londres, la grande banlieue du sous-continent du curry… Beaucoup aussi restent ou reviennent bosser en Inde, pays d’avenir.
Pour notre part nous irons découvrir la Birmanie (Myanmar), pauvre et si gracieuse – cf. la pagode de Shwedagong à Rangoon. (A suivre ?)

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Corrida au Tamil Nadu: quand les esprits s’échauffent

Plus tard, mon infatigable belle-mère, Rachel,  “the incredible flying granny”  qui sillonne la planète à 88 ans avec une joie de vivre positive, connaîtra quelque frayeur. Cette petite histoire témoigne d’ailleurs des aspects agités de la grande démocratie indienne !
Son train est en effet bloqué en rase campagne par une foule de manifestants incontrôlés au Tamil Nadu. Avec d’autres voyageurs inquiets, Oma/Rachel sera exfiltrée par la police grâce au téléphone portable et à de bonnes connexions: la foule protestait pour les “droits culturels” dans ce grand Etat du Sud, à savoir contre l’interdiction de courses de taureaux / zébus (bull-taming) où la bête affolée doit se faire renverser sans mise à mort par des milliers de jeunes, un peu comme la San Firmin de Pampelune.

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Le gouvernement fédéral indien le jugeant ce rodéo de masse trop cruel pour les animaux a fini par l’interdire en 2014. Cette tradition appelée “jallikattu” a été finalement rétablie devant les mutineries sur les droits culturels . Or, nous apprend la BBC en février, les hautes castes hindoues empêchent toujours les intouchables de participer…
  Jean-Michel Stoullig

One thought on “My new Indian wedding”

  1. Bravo, JM.
    Nous nous trouvoms a Bali en CEO moment. Success phenomenal de tourism et qui correspond a “la gentillese generale, peu d’insecurite au final, incroyable variete et beaute, richesse des cultures, acces au calme des profondeurs…….” comme tu decris sur l’Inde. Mais en microcosm.

    Mais le tourism en Inde vient de décoller -8.5 millions de tourists etrangers en 2016 sur une population de 1.3 billions. Ici 4.2 millions sur la population de Bali, aussi 4.2 millions en 2016. 9 millions pour toute l’Indonesie.

    Excuse-moi, je n’ais pa pu trouver les accents sur ce keyboard.

    John

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