INDE: COCONUTS, FOULES ET TAPIS VERTS

 

 

soir Cochin
Du monde, du mouvement, du bruit…

 

 

L'Inde sereine
… et l’Inde sereine

 

COCONUTS, FOULES ET TAPIS VERTS- DEVELOPPEMENT BOITEUX

L’énergique Premier ministre Narendra Modi (et… Nicolas Anelka presque) en superstar, des millions de voitures neuves souvent bloquées dans la cacophonie de carrefours irrespirables, mais aussi -clichés toujours vrais – la palette incroyable des textiles féminins, les débats sans fin, les odeurs contrastées, le sifflet des oiseaux dans le vert des champs de thé: l’Inde moderne reste complexe et surprenante.

Durant un dixième voyage dans le pays, en novembre 2014, j’ai été doublement privilégié:

– Deux voyageuses aguerries et enthousiastes, deux Indiennes d’Europe, mon épouse Sheila et sa mère Oma-Rachel, m’ont expliqué et traduit. Notamment les cousinages d’une belle-famille étendue.

– Depuis 1978 nous avions visité plusieurs régions du sous-continent, du Cachemire au Tamil Nadu et au Bengale, y compris les métropoles “impossibles” (Bombay/Mumbai Delhi, Madras/Chennai, Calcutta/Kolkata). Or cette-fois nous avons mis cap sur deux perles, le Kerala (KL) familier, luxuriant, un modèle social, à la pointe Sud, et le Rajasthan (RJ), aride et magnifique, parti de loin mais en pleins progrès, au Nord.

Voici donc mes treize récits plus ou moins sérieux: voir TABLE DES MATIERES

FEMMES ON VOUS AIME, PAS TROP

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Des mains de futures brûlées vives

Cette curieuse plaque de mains  féminines à la forteresse de Mehranghar (Rajasthan) témoigne d’une cruelle coutume des guerriers rajpoutes depuis le XVe siècle: quand ces derniers se considéraient vaincus, ils partaient mourir au combat, mais leurs femmes, par soumission et par peur du viol, devaient se jeter dans un brasier.

Un écho au “sati”, la crémation vivante des veuves et servantes que les Anglais abolirent en 1829.

Deux ans après la mort terrible d’une étudiante violée dans un bus de Delhi, et malgré des manifestations et des lois plus strictes, peu de choses ont changé dans les faits, estime The Times of India fin décembre. Dans les faits, police et justice sont lentes, peu efficaces, les femmes restent craintives le soir. Trop de politiciens mâles restent méprisants.

Elles restent d’une manière générale victimes de préjugés sexistes. On sait qu’il y a (comme en Chine) plus de garçons que de fillettes à la naissance, à cause d’avortements sélectifs puis de la malnutrition à l’enfance.

Il est vrai qu’à cause de la dot – une pratique sociale qui persiste bien qu’interdite depuis l’indépendance – avoir des fils c’est bien pour ses vieux jours mais avoir des filles ne rapporte guère (hors l’amour)  et peut même coûter très cher…

Lors du mariage (arrangé), la femme passe sous l’autorité du mari, doit être mère et s’occuper de ses beaux-parents. Ses propres parents doivent souvent s’endetter pour réunir la dot.  Or si celle-ci est jugée insuffisante, la violence est possible, l’épouse  peut brûler en succombant à un “accident domestique”….

Pendant notre séjour a eu lieu l’épisode des morts par stérilisations mal faites: la contraception étant peu pratiquée, c’est un moyen de contrôle de naissance généralisé contre quelques roupies.

Pourtant des progrès s’affichent. Le parlement a voté en 2010 un quota imposant un tiers de femmes députées, nous rappelle Le Routard.

L’émancipation se voit partout dans les sorties d’écoles de fillettes en uniformes ou encore dans le nombre croissant de jeunes filles roulant à scooter en ville.  L’alphabétisation féminine limitée par le statut des filles  et souvent par l’absence de toilettes (et du coup par peur d’attouchements) progresse otamment au Kerala (un des records du monde à près de 95%) ou même au Rajasthan (seulement un peu plus de la moitié, souvent faute de latrines et donc par peur d’attouchements) ou encore dans le nombre croissant de jeunes filles roulant à scooter en ville.

La position en flèche du petit Kerala, où les indicateurs sociaux sont enviables malgré le chômage, s’explique par un ensemble de facteurs: des maharajas hindous éclairés au 19e siècle, des missions chrétiennes actives, un système d’héritage largement matriarcal, une réforme foncière ayant permis aux petits paysans rassurés de laisser les enfants à l’école, et last but not least plus du tiers du budget local consacré à l’éducation, sous l’influence des communistes longtemps au pouvoir.

 

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Une classe en kurtas rose entre au musée à Jaïpur

 

Le visage encore ado, à 23 ans, avec son appareil dentaire, Gina est fille de pêcheur, sa mère tient une gargotte. Timide, elle s’illumine quand elle parle de son prochain emploi d’enseignante et des livres de femmes.

Des voix fortes de femmes se font bien entendre, dans la littérature, le cinéma, les médias.

Dans un récent bestseller,  la flamboyante Sobhaa Dé, écrivaine et éditorialiste de magazines, témoigne entre autres de la libération sexuelle dans la nouvelle classe moyenne aisée des villes.

 

 

 

POLITIQUE: MODI LE SAUVEUR ? + MUSULMANS/ DEMOCRATIE

MODI BENI DES HINDOUS – LES MUSULMANS SUR LEURS GARDES

Dans la presse, chez mes interlocuteurs, Narendra Modi, le Premier ministre, reste l’homme providentiel après son élection triomphale en mai dernier. Au terme d’un immense exercice démocratique (800 millions d’électeurs votant sur six semaines), il a été plébiscité avec son parti BJP, la droite hindoue. Mais les Musulmans (15%) ont des raisons de se méfier du nationalisme religieux hindou et des tentations autoritaires du PM (voir plus bas).

En gros, les Indiens continuent surtout d’espérer que cette sorte de Sarkozy (aussi énergique mais moins impulsif que le Français) – élu sur la gestion et les progrès économiques de l’Etat qu’il dirigeait, le Gujarat – va pouvoir relancer un développement devenu assez poussif (+5% “seulement » de PIB) et moderniser les infrastructures, et l’énergie, affaiblir la bureaucratie et la corruption ! Il y a certes profité de l’usure de la famille Nehru-Gandhi (sans rapport avec le Mahatma Gandhi) qui domine le parti du Congrès et a gouverné le pays pendant des décennies.

“C’est le leader qu’il nous fallait,  comme on en voit rarement en un siècle, après Indira Gandhi. Il veut nettoyer l’Inde, en faire un pays manufacturier », s’enthousiasme Mohan Verghese, un chrétien, PDG du thé au Kerala.

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Meeting du BJP, parti hindouiste au pouvoir à l’emblème safran

 

“Make in India”, « Fabriquez en Inde », le slogan du PM, est bienvenu, car le pays, un brin complexé, lorgne sur l’énorme Chine voisine, si disciplinée, moins bordélique, moins diverse, bien moins démocratique il est vrai. Une Inde qui produit certes ses aliments, ses centrales atomiques, ses fusées et satellites, de l’acier (Mittal), des voitures Tata, qui forme des ingénieurs informatiques et spécialistes du HT (pas assez en fait), des intellectuels talentueux, qui exporte des médecins et financiers dans le monde anglophone, et des travailleurs pauvres dans les pays du Golfe, mais où la qualité est souvent faible et qui importe trop de biens manufacturés. Où le vaste réseau routier et ferroviaire est souvent lamentable, les coupures d’électricité constantes… (CF. DEVELOPPEMENT – TRANSPORTS)

Je rencontre Ramesh Kochhar dans l’avion de Bangalore à Jaipur. Il est chef de ventes de Genus Power, une boite de 80.000 salariés vendant des moteurs électriques et panneaux solaires, y compris à l’étranger. Lui aussi est convaincu: “Modi c’est un vrai chef capable, il veut combattre la corruption… Il a déjà remis l’Inde sur la carte du monde “. Une allusion à la succession de voyages de commerce et de prestige depuis son élection à la Maison Blanche chez Obama, au Japon, avec les Chinois. J’ai vu cet homme trapu, la barbe blanche bien taillée, ovationné depuis Sydney par les riches expatriés indiens d’Australie quand il fait appel à eux en hindi (c’est, dit-on, un excellent orateur) ou en anglais.

Beaucoup renchérissent. Comme Jicku, un jeune brahmine dont la pension regarde la somptueuse forteresse surélevée de Jaisalmer (RJ), dorée comme les sables. « Mon père votait pour le Congrès, avait vu Indira. Moi j’ai voté BJP. Avec Modi, les choses vont déjà mieux. Selon lui, à Jaisalmer, les routes et la ville touristique sont déjà plus propres, mieux éclairées, les enseignants plus présents à l’école.

Comme tout le monde notre aimable hôtelier souligne que depuis l’avènement de Modi, ô miracle, les prix grimpent moins, notamment dans les carburants: “la baisse des prix mondiaux des hydrocarbures, c’est de la chance ? Oui, mais nous avons besoin de chance, nous aussi !”

Narendra Modi va-t-il aussi guérir des écrouelles ?

MUSULMANS (et PAKISTAN). Ils sont nerveux je l’ai dit. En 2002 après le massacre d’un train de pèlerins hindous par des islamistes, plus de 1.000 musulmans furent massacrés dans des émeutes au Gujarat, sans que la police n’intervienne. Washington avait longtemps placé Modi qui dirigeait l’Etat sur liste noire.

“Ils ont eu droit à une leçon maintenant ils sont tranquilles », ose un hôtelier.

La majorité des hindous ou chrétiens que j’ai interrogés estiment pourtant que le gouvernement BJP à la recherche de développement économique n’a pas l’intention de jouer la carte religieuse.

Mais fin décembre, l’opposition parlementaire s’est émue de conversions plus ou moins forcées de musulmans et chrétiens à l’hindouisme. Des nationalistes hindous affirment qu’il s’agit d’un simple “retour” à la vraie religion de l’Inde et rêvent d’hindouiser totalement le pays d’ici 2021…

Dans la masse hindoue, les musulmans sont en minorité (quand même 170 millions). Moins éduqués, moins entreprenants en affaires, ils sont sous-représentés dans les instances politiques. Bien que cette gigantesque république laïque, ait compté plusieurs présidents musulmans (et un Intouchable aussi).

Pendant notre séjour, des affrontements religieux ont lieu dans un faubourg de Delhi-est, Trilokpuri, à majorité musulmane: à l’origine peut-être l’installation d’un autel hindou devant une mosquée ?

C’est plutôt à des islamistes venus du Pakistan, notamment du Cachemire pakistanais, qu’à la population locale qu’on impute la terreur, comme les attaques de 2006 et 2008 à Mumbai (Bombay).

Mais on entend aussi la crainte que l’afflux de prédicateurs wahhabites ne radicalise la minorité. Et le départ de quatre jeunes de Mumbai vers l’Etat islamique a fait la couverture de The Week. (NB. statistiquement il y a davantage d’attaques terroristes de la part des Naxalites, les maoïstes dans les campagnes pauvres du centre-est).

On note quelques provocations aussi, comme celle du Shahi imam de Delhi qui a invité le Premier ministre du Pakistan, mais pas celui de l’Inde, à une cérémonie pour transmettre le flambeau à son fils. Cet individu n’est pas représentatif ont rétorqué plusieurs intellectuels musulmans.

Lors des matches Inde-Pakistan de cricket, un peu une finale de notre Coupe du Monde, les Musulmans tendent à soutenir les joueurs pakistanais, ce qui peut agacer…

 

MYTHOLOGIES : CHIRURGIE, MODI ET GANESH

Ganesh, c’est le dieu de la réussite qu’ils invoquent tous, marchands, intellectuels, acteurs, jeunes mariés. Son effigie à tête d’éléphant mutin sur le corps grassouillet d’un humain est partout en pierre, en bois de santal, en plastic ballotant sous le rétroviseur. Selon les textes sacrés, cette greffe fit suite à une colère compliquée de Shiva.

Mais voilà que Modi, le moderniste, fait en novembre l’éloge des grands ancêtres de l’hindouisme, de leurs exploits y compris scientifiques : « Nous vénérons notre Ganesh ; il y a eu jadis un chirurgien qui a mis une tête d’éléphant sur un corps humain. La chirurgie esthétique a dû commencer à cette époque ».

Surprise et ironie accueillent ces déclarations dans la revue Outlook, des réactions qui émanent certes de jeunes intellectuels anglophones. Sans se prononcer sur le fond, un prêtre évoque les merveilles médicales de l’ayurveda d’antan.

Ailleurs des articles mettent en garde les lecteurs : si la mythologie religieuse des Grecs ou Egyptiens appartient aux livres d’histoire, celle des Hindous reste certes vivante, mais, non!, tous les récits de dieux et déesses, les exploits de héros ne sont pas à prendre au pied de la lettre…

MEDIAS ET DEMOCRATIE

Choc de la télé. De nombreuses chaînes désormais dans toutes les langues des Etats fédérés. Débauche de vulgarité sur les pales imitations de CNN en anglais et autres langues. Des animateurs qui invectivent, assez peu d’infos sauf celles en boucle, mais trois fois plus de bandeaux en couleurs que notre BFM-TV.

Il y a du meilleur aussi, avec parfois de beaux concerts de musique classique indienne Et des tas de télévisions religieuses, hindoues bien sûr, musulmanes, chrétiennes (cathos, évangéliques), jaïns, sikhs…

La pub omniprésente vise la nouvelle classe moyenne qui consomme – voitures, apparts, santé, bouffe.

Je me retrouve en terrain familier en lisant la presse écrite anglophone, quotidienne ou hebdomadaire, instructive, critique, avec de vrais débats démocratiques, des pages de news, de culture et de sports étrangers. Des éditoriaux dénoncent des pressions sur les éditeurs par le biais des publicités d’Etat.

Si l’Inde est un des foyers du web, la presse écrite semble en meilleure santé qu’ailleurs. Dainik Jagani en hindi tire à 15,5 millions d’exemplaires (source: Conseil de la presse).

Times of India est à 7,2. Derrière donc le sérieux Malaya Manorama, fondé par “mon arrière-grand-père par alliance”, qui sort à plus de 8,5 millions d’exemplaires. Pas mal pour quelque 40 millions de locuteurs. Les Keralais, en mundu (pagne) blanc, épluchent cette prose dans une écriture toute en boucles.

Un dentiste indien aisé exerçant au Qatar, le Dr G. Paul, nous dresse un bilan en demi-teinte de la démocratie héritée des Britanniques et entretenue par Nehru : « Il y a bien des élections, une justice (lente) et une Cour suprême souveraine, une presse assez libre. Pourtant les Indiens n’ont pas de vrai sens démocratique, faute d’éducation. Ils ne pensent qu’à leurs droits, sans savoir bien les exercer, et pas à leurs devoirs ».

HOMMAGE à BG (Boobli George) Verghese, un des plus grands journalistes indiens. Il est mort le 30 décembre dernier à 87 ans. Oncle de mon épouse, il formait avec sa femme Jamila, auteure engagée qui a écrit notamment sur la persistance néfaste de la dot, un couple brillant et chaleureux, que nous avions plaisir à voir à Delhi ou à Washington.

BG Verghese a notamment dirigé les journaux The Hindustan Times et The Indian Express. Cet homme à l’intégrité reconnue, fut conseiller à l’information d’Indira Gandhi (1966-69), mais il s’en écarta ensuite en dénonçant l’autoritarisme croissant du Premier ministre, puis de son fils Rajiv.

Il a écrit plusieurs livres sur l’environnement, les questions de l’eau dans l’Himalaya, la stratégie, la presse, etc.BG Verghese

Narendra Modi lui a rendu hommage: “We lost an accomplished writer & an insightful thinker.”

 

ECONOMIE: DEVELOPPEMENT BANCAL

UN DEVELOPPEMENT REEL MAIS BANCAL

Les indicateurs sont mitigés. La croissance tournait « à seulement » 5% l’an depuis quelques années loin de la Chine. Mais l’OCDE prévoit 6,7% pour les deux pays de 2015 à 2019. L’Inde redevient à la mode, veut croire le Times of India, notant que « les investisseurs étrangers ont mis en 2014 plus d’argent en Inde que dans les autres pays émergents », car c’est un Etat aux ambitions fortes affichées par une nouvelle équipe au pouvoir, aux ressources réelles, aux entrepreneurs milliardaires.

Le Japon a promis 35 milliards de dollars d’investissements, mais à condition, rappelle un ministre nippon, que l’Inde, sortie ces dernières années d’un socialisme d’Etat autarcique, fasse plus de réformes, dans le secteur bancaire notamment, favorise le climat des affaires et modernise ses infrastructures, notamment dans les transports et l’énergie. On peut penser aux sermons d’Angela Merkel à la France, mais les élites locales semblent d’accord.

Je vois des autoroutes nouvelles, des chantiers avancés de métro aérien (Kochi, Jaipur), des aéroports neufs (Delhi, Bangalore, etc., des échafaudages partout. Mais rien à voir avec la rapidité de construction dans la Chine dictatoriale, notamment à cause de la lenteur dans l’acquisition des terrains, de la bureaucratie, de la corruption aux différents échelons du pouvoir. Alors que les coupures d’électricité sont un fléau, un responsable de General Electrics en Europe m’a indiqué que GE avait renoncé à construire une centrale électrique au Maharashtra, vu les exigences répétées de « commissions » à tous les échelons.

Et puis forte de ses cerveaux et ingénieurs, et encore il n’y en sort pas assez, l’Inde fabrique peu ou mal ses biens de consommation (comme ce tire-bouchons qui se casse entre mes mains à sa première utilisation…). De plus l’Inde, on le constate même comme touriste, n’est plus si bon marché : l’inflation dépassait 9% depuis 2012, et elle aura certes baissé à 5,5% cette année.

Les grands projets immobiliers pour la classe moyenne s’affichent.

Mais l’architecte Gautam Bhatia (journal The Hindu) plaide pour un modèle de civilisation différent des Etats-Unis et de la Chine (2 à 3 fois plus étendus) en raison de la densité extrême de population, d’une urbanisation anarchique, de la pollution: « Pourquoi donner la meilleure autoroute, si les gens vont déféquer sur les bords ? (…) La hausse du nombre d’automobiles fait que les déplacements sont parmi les plus lents au monde ».

soir Cochin
A Kochi: bus de pauvres, pancarte pour immeuble de luxe, véhicules en tout genre

 

“Oma” est critique de la classe moyenne consumériste : «Beaucoup  singent le matérialisme à l’américaine, la publicité, les immeubles de luxe, Hollywood. Mais ils ne connaissent pas les Etats-Unis, ni les risques que nous encourrons».

Pourtant Modi, le modernisateur, veut forcer l’allure. Il a repris à son compte l’Aadhar, un système biométrique touchant déjà 700 millions de personnes, pour recevoir passeport, subventions/ allocations, ouvrir un compte en banque. Il relance aussi l’informatisation des services publics, pour permettre efficacité et transparence.

CORRUPTION

La saga du moment c’est la “Black Money”. Peut-être de l’argent sale, mal placé en tout cas. Malgré les promesses de campagne de M. Modi, Monsieur Propre, la Cour suprême a dû taper du pied pour que gouvernement lui transmette une liste anonyme de 627 Indiens ayant de l’argent à l’étranger, notamment en Suisse et en France. Seul les noms d’une poignée d’hommes d’affaires ont étés jetés en pâture. Les Suisses consentent à répondre si on leur donne des preuves, mais ne veulent pas enquêter.

En fait tout le monde se plaint de cette tradition de corruption de haut en bas.

Plusieurs personnes me disent la même chose: “Rien ne vaut un billet de 1000 roupies, pour faire avancer son dossier au sommet de la pile et gagner des mois dans ses démarches”, y compris au tribunal ou pour obtenir un certificat de décès…

L’association des bar-owners du Kerala a accusé le ministre local des finances, K. M. Mani – qui dément – d’avoir réclamé jusqu’à 5 millions de roupies de “pots-de-vins” pour se montrer plus conciliant sur la loi prévoyant la prohibition de l’alcool.

Mais le gouvernement semble sur la bonne voie, en obligeant progressivement les gratte-papiers, à s’informatiser – ce qui permet aussi de surveiller l’absentéisme des fonctionnaires. On relève encore l’adoption d’un “Freedom Information Act”, à l’américaine qui permet d’exiger un document après un délai fixé.

 

MOEURS : KISS OF LOVE

KISS of LOVE

C’est le nom du très sérieux débat qui a alimenté les médias dans tout le pays. Le 2 novembre, la police a embarqué une trentaine de jeunes rassemblés à Kochi (ex-Cochin) pour “manifester” à nouveau en se faisant des bisous ou en se tenant la main. Pour les organisateurs de Kiss of Love, il s’agit de secouer la société socialement avancée au Kerala, mais encore bien conservatrice pour ce qui est de moeurs et du mariage libre. (J’ai relu sur place avec émotion “The God of small things”, “Le dieu des petites choses”, ce chef d’oeuvre mondial où Arundathi Roy dénonce les préjugés entravant l’amour entre gens de castes, religions et positions différentes).

En général la presse encourage  plus de liberté dans les moeurs et condamne l’hypocrisie. Les partis politiques sont embarrassés. Austin, un ancien instituteur, se montre choqué: “nous les Indiens on est des hommes chauds, on ne doit pas nous exciter. S’embrasser en public ce n’est pas dans notre culture, ça reste privé”.

Bien entendu, rien à voir avec l’acceptation des viols, qui ont défrayé la chronique en Inde (encore que les politiciens dénoncent volontiers les “provocations” de la gent féminine émancipée).

Dans un temple jaïn de Jaisalmer
Belle flûtiste dans un temple jaïn de Jaisalmer

Mais au pays du Kama Sutra et des sculptures érotiques de Kajuraho, la pudeur est de mise. Pas d’étreintes en public, pas de French kiss au cinéma. Bollywood, la télévision cultivent le teasing, les poses, danses suggestives, presque baisers, les pubs presque torrides à l’érotisme injustifié, mais rien d’autre. Comme dans la prude Amérique: à côté du porno, plus de seins nus à Hollywood.

VACARME, SILENCE ET RETOUR

VACARME ET SILENCE

Cette civilisation nous a donné le yoga, le bouddhisme, la méditation, Ravi Shankar.

Hélas la réalité du jour, c’est plutôt la cacophonie, le vacarme. Comme les cloches et trompettes du temple hindou voisin à 04H00 du mat (toute la nuit en cas de festival); les pétards pour les fêtes comme Diwali; la télé qui beugle; les familles qui crient; et, ô ennemi de mon ouïe trop sensible, ce maudit klaxon. Un journal déplore par exemple le retour à Calicut (Kozhikode) des cornes digitales de plus de 110 décibels, en principe interdites. L’OMS a mis en garde New Delhi sur le niveau dangereux du bruit en ville. En vain.

Certes, mes amis indiens et ma belle-famille ont été formés à la dure: ils peuvent dormir partout, malgré les chiens, les corbeaux, les cris dans la rue, les néons.

Je trouve une alliée en Prema Ramakrishnan. “Le silence est d’or dans le boucan”, écrit la journaliste (The Hindu). Mettant en exergue, The Artist, notre film muet oscarisé en 2012, elle avoue d’expérience: “oui, j’admire le silence en Occident”.

Mon recours, à défaut de l’Himalaya, c’est une plage de pêcheurs (encore) sans touristes à Mararikulam (KL)

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Marari beach

ZURÜCK ( LE RETOUR, histoire de finir avec un Z)

C’est le silence à Paris et en banlieue. Sur les routes comme dans les rues. Les panneaux “Chut!” affichés dans le très bourgeois Le Raincy, ça va quand même un peu loin… On respire certes mieux que dans les villes indiennes.

Noir et gris, les couleurs dominantes des gens dans le métro, semblent ternes. Comme le gris de la ville. Moins de sourires aussi que sous les Tropiques indiennes!

Les Parisiens ne sont pas si malpolis, après tout. Mais finis les « What is your name? where do you come from ? », directs et gentils à tout bout de champ.

Là bas, a salutation se fait avec les mains jointes (namasté) ou sur le cœur avec regard et sourire. Le mot « merci » n’existe guère. Du coup à mon retour je dois réapprendre à parler ou toucher pour dire bonjour, et je m’efforce de ne plus dodeliner de la tête pour signifier « oui »…

Vive la bonne bouffe naturelle et les cinoches.

Bon, tout n’était pas rose ni assez propre. Ce n’est pas la non-violence, c’est un pays dur. Qu’on songe à la malnutrition, aux statistiques de l’esclavage, aux castes, aux épouses brûlées vives quand la dot déplait aux beaux-parents, à la campagne contre le travail des enfants qui a valu le prix Nobel de la Paix à Kailash Satyarthi.

Malgré tout, restent la beauté, l’image des écolières en uniforme partout, une impression d’optimisme dans ce vieux et jeune pays.

… En guise de CHUTE: A Marari Beach, mes hôtes Austin et Jasmin ont deux heureux enfants, Anna-Maria et Brian. Un soir, ils jouent aux cartes avec une dame allemande. Les enfants finissent, se lèvent. Une noix de coco tombe juste alors et traverse la table ! Commentaire de la maman fataliste : « oui il faudrait améliorer notre filet de protection ». Chaque année quelques morts par “falling coconuts” sont signalées de par le monde. Même au paradis on est peu de chose.

ROULER ET SURVIVRE + DEMOGRAHIE

Cohue Jaipur
Rue “calme” à Jaipur

Au diable mes appréhensions, nous avons survécu à plusieurs centaines de km sur les routes bondées. On le sait, il faut fermer les yeux souvent, prier si l’on peut, quand face à vous le camion ou autocar, double en 2e, 3e position, beuglant de tous ses klaxons. Bien sûr on se rabat sur les bas-côtés; mais sur les bas-côtés, il y a beaucoup de piétons, de cyclistes, de vaches etc. En général ça passe. Et puis on ne roule trop vite. Patients les conducteurs contournent les bovins et les ovins qui zigzaguent lentement.

Accident au Rajasthan
Accident au Rajasthan

Entre Jaipur et Jodhpur (RJ), une belle autoroute neuve. Aucune notion de voie rapide. Un tracteur de foins, double deux camions. Gymkhana est un mot hindi. L’autoroute s’arrête, sur la chaussée, un homme hirsute brandit une hallebarde. Plus loin sous les pylônes d’un viaduc, gît le cadavre d’un jeune garçon, sans doute happé quelques minutes auparavant en voulant traverser.

“Il n’y a pas de règles chez nous. Ici on peut acheter son permis”, nous disent nos (plutôt bons) chauffeurs, Vichnou puis Siby. Un peu surpris ou agacés certes quand je leur conseille de doubler avec visibilité dans le virage et de ne pas klaxonner quand ça ne sert à rien; mais corner reste un sport national…

En ville, les véhicules, auto-rickshaws, motos, foncent vers les carrefours, avertisseurs à fond, dans la fumée. Les feux rouges importent peu. Çà passe dans la cohue. Mais, bonne surprise pour un Français: en général peu d’agressivité, on freine in extremis, on se regarde sans s’engueuler et on avance.

Le pire c’est la nuit, des phares, pas de codes, on klaxonne, on double et l’autre se rabat.

On rencontre des audacieux: Leslie et Rémi, deux jeunes architectes-décorateurs français, déçus de la saleté et de la pollution, ont conduit eux-mêmes 2000 km dans le nord, même de nuit. Que dire de Guido, un Berlinois de l’Est de 42 ans, qui parcourt d’Asie à moto depuis des années. Cette fois, sur une Enfield, 350 cc, il déjà roulé 8.000 km du Ladakh au Kerala: mais, attention, « uniquement de jour, et plus dans des tunnels obscurs, j’ai failli étouffer dans l’un d’entre eux ». Il confirme que les gens klaxonnent encore plus que les Chinois, sans raison, et sans colère.

Après quelques jours de tranquillité sur une plage, j’ai volontiers troqué près de deux heures dans une 4X4 glacée par la clim pour faire 50 km contre un bon vieux train ordinaire pour 10 roupies (douze centimes d’euro…). Fenêtres avec barreaux et ventilos, marchands de thé et samossas, des gens affables, qui jettent leurs détritus sur la voie (il n’y a pas de poubelles…)

SURPOPULATION

1,25 milliard d’individus déjà. Ce sera bientôt le pays le plus peuplé du globe devant la Chine (près de trois fois plus vaste et plus vieille). Déjà dans l’ensemble du sous-continent, avec Pakistan et Bangladesh (l’ex-Empire des Indes britannique donc), il y a plus de gens de civilisation indienne (avec tous les types ethniques du blanc au noir) que de Chinois.

Va-t-on vers une stabilisation ? Les démographes ne sont pas sûrs. Pour l’instant il y a encore plus de monde dans les campagnes, mais nous voyons des centres villes invivables de densité, surpopulation. On le constate de visu à chaque carrefour, dans les campagnes grignotées par les habitations, etc.

Si la natalité est à la baisse, l’avenir est incertain. L’éducation sexuelle est très lacunaire. Les méthodes de contraception « sont inconnues (…) ou font l’objet de suspicion. Les hindous conçoivent difficilement une famille sans un minimum de deux fils. Les musulmans sont opposés encore plus vigoureusement à la planification des naissances, y décelant une insulte à leurs croyances et un moyen délibéré de diminuer leur minorité » (site www.infoinde.com). Les stérilisations, volontaires, sont monnaie courante. Mais en novembre la mort de 13 femmes en a rappelé les dangers quand elles sont bâclées.

Face à ce défi, des économistes évoquent un pari plus positif : ils débattent de l’atout du « Youth bulge », ces jeunes qui peuvent booster l’économie indienne dans le quart de siècle à venir. A condition qu’ils soient nourris, éduqués, formés, employés. Sinon cet avantage peut tourner au cauchemar.

THE NOIR AU JARDIN DES COMMUNISTES

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Un jardin de thé des Nilgiris

 

Les syndicalistes des plantations nous reçoivent sous la faucille et le marteau, mais vantent une direction éclairée. Dans la région, on remarque de véritables autels de drapeaux rouges et des slogans à la gloire de l’un des Partis communistes indiens rivaux. Les entrepreneurs dénoncent souvent une culture qui « décourage l’initiative, et le travail au profit des grèves et des règlements »,  au Kerala, comme au Bengale occidental. Dans ces deux Etats les communistes ont accédé au pouvoir par des élections libres (ils n’y sont d’ailleurs plus) et les travailleurs sont mieux protégés.

Autel communiste près d'un autel hindou
Autel communiste près d’un autel hindou à Munnar

Mais d’abord, j’étais parti pour m’imprégner de paix verte. Vous aurez tous ressenti en photo ou sur place cette impression paisible que procurent les « jardins de thé » en Asie, ces tapis de buissons manucurés épousant les collines.

On est à Munnar (à 1.800 m dans les Nilgiris, Ghats occidentaux), une de ces stations de montagne bleu-vert, où les colons venaient échapper aux canicules des plaines comme aujourd’hui nombre d’Indiens aisés.

A Darjeeling, en Assam, ou ici, ce sont surtout les Ecossais, habitués des Highlands, qui ont cultivé le thé dans les montagnes. Les dirigeants locaux des grands producteurs sont désormais indiens.

Une des particularités de Munnar c’est que la tentaculaire compagnie Tata a vendu en 2005 la majorité de ses parts dans la principale entreprise du cru, la KDHP (Kannan Devan Hills Plantation), en cogestion à ses 12.500 employés. Ils travaillent sur 24.000 hectares répartis en sept « tea gardens ». Au bout de sept ans, ils ont retrouvé leur mise, assure Mohan Verghese, l’avenant General manager de KDHP.

L’opération a eu lieu après une crise mondiale, due à la surproduction de thé noir par le Kenya (3e producteur mondial de thé après Chine et Inde, devant le Sri Lanka-Ceylan), précise M. Verghese.

« Tata est une compagnie philanthropique », qui paye l’école, les frais de santé de la famille, fait de la formation, dit-il. De fait les Tata, une dynastie de parsis, vivent sans ostentation de père en fils et mènent une politique industrielle à long terme, surtout dans les transports.

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Syndicaliste du thé posant sous la faucille et le marteau

« Oui Tata est un employeur modèle » et avec la cogestion  « notre voix peut être entendue », acquiesce Yahanan Ouseph, secrétaire général du syndicat Devikulam, aux 8000 membres.

Les travailleurs du thé du Kerala sont mieux payés qu’ailleurs. Mais avec quelque  9000 roupies (120 euros) de salaire pour 40 kg de thé (deux feuilles et un bourgeon) ramassées par jour à se rompre le dos, avec l’inflation, ce n’est pas le Pérou, estime M. Ouseph.

Le PDG et le syndicaliste s’accordent pour penser que la mécanisation s’annonce car la relève locale sera difficile : les enfants des cueilleuses de thé et des ouvriers des fabriques de torréfaction sont mieux éduqués et ils ne voudront plus passer leur vie penchés sur de verts buissons en plein air.

Cueilleuses de thé à Munnar
Cueilleuses de thé à Munnar

CARNET, COULEURS, LANGUES, IMMONDICES

CARNET DE ROUTE

Y en aura pas, ce serait trop long pour toi, ami lecteur. On ne détaillera pas la magie du fort de Mehrangarh (Jodhpur), celle des chanteurs et danseuses gitanes de Jaisalmer ou des grands bateaux d’osier sur les backwaters, les lagunes. Mais je dépose ce copyright : le Kerala, pays des cocotiers, de l’eau, des épices et des forêts vierges, surnommé « Gods own country », c’est “Fifty shades of green”, et plus.

Kerala: houseboat sur une lagune (backwater)
Kerala: houseboat sur une lagune (backwater)
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Une cour du fort de Mehrangarh, Jodhpur (Rajahstan). Les moucharabiehs sont en pierre

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Infinies. Demander mes photos … On pensera au rouge des voiles de femmes du Nord sur les motos. Aux marchands de tapis bishnoi de Jodphur, aux dessus de lits au Rajasthan. A l’arc-en-ciel changeant des saris et kurtas (seyantes tuniques à pantalons) des tantes et cousines sur le bateau de Kumarakom.

Femmes au Rajasthan
Femmes au Rajasthan

LANGUES

La connaissance de l’anglais chez les élites est un atout pour l’Inde dans la mondialisation. Mais seuls 5 % à 10 des gens le maitrisent. Il y aurait 860 langues dont 22 officielles et 66 alphabets.

Modi veut plaire à ses électeurs hindous: des étudiants protestent avec véhémence (face aux longues matraques des flics, selon le rituel des manifestations locales)  quand le gouvernement veut remplacer l’anglais aux concours à la fonction publique par l’hindi, une langue qu’on ne parle pas dans le Sud.

Débats aussi sur le projet de remplacer comme troisième langue l’allemand au lycée public par le sanskrit, un clin d’œil aux religieux; ça serait logique… comme pour nous un retour au latin, à nos racines.

Mes traductrices parlent le hindi, le malayalam, le bengali. Parfois, Sheila me sert d’interprète même en anglais: “you don’t understand their English accent, they don’t understand our English”.

SALETE, POLLUTION

Pour les ordures en contrebas, pour la saleté, c’est pire qu’ailleurs. La défécation en plein air (70% dans les campagnes et 13% dans les villes, selon la BBC) est répandue même chez ceux ayant des WC et c’est donc aussi un problème culturel (traditionnellement les intouchables étaient là pour nettoyer les latrines…). Bref c’est pas génial et ça compte beaucoup dans les épidémies et les maladies infantiles.

Voici que c’est un PM hindou, bravo !, qui relance la campagne propreté, le Swachh Bharat de Gandhi, avec promesse de latrines pour tous. La campagne sera de longue haleine quand on respire les fétides égouts à ciel ouvert des métropoles et campagnes.

On voit Modi avec un balai avec des politiciens donner le bon exemple à New Delhi. Des vedettes de Bollywood font de même. Les écoliers d’Indore (centre) ont reçu des sifflets pour faire honte aux chieurs publics !

Comme les pauvres, les touristes du Nord du pays, nouveaux riches jettent toujours leurs détritus sur les plages ou dans les rues, les poubelles sont rares. Certes les mentalités changent peu à peu avec l’éducation, les gares et aéroports sont plus propres. Mais la Suisse est encore bien loin.

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Contrastes

Encore dans les mémoires, Bhopal ulcère trente ans après la catastrophe de l’Union Carbide, source de morts et malformations multiples.

Le pays souffre désormais du taux de mortalité liée à des maladies respiratoires le plus élevé au monde, en particulier à Delhi où l’air est pire qu’à Pékin.

Les écolos s’inquiètent aujourd’hui notamment d’un deal entre le nouveau gouvernement et les entreprises. Pour favoriser les investissements, face à une bureaucratie très lente, on  réduirait les normes de surveillance pour les projets industriels. Déjà que, par exemple, le Gange où se baignent les croyants est devenu un cloaque dangereux….

SPORTS: CRICKET, CRICKET, ET ENFIN FOOT

Anelka vit toujours, j’ai vu marquer à la télé notre exilé mal aimé. Le cricket est une des religions de l’Inde, suscitant  quasiment autant de polémiques et d’essais savants que le méchant Pakistan.  Sur le moindre terrain plat, les gamins posent des wicket et lancent la balle pour s’entraîner. Parmi les nombreuses (bonnes) choses que l’Inde a gardé des Anglais et leurs trois siècles de domination, on trouve bien la passion du cricket pas celle du football.

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Cricket: le batman renvoie la balle….

 

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… On a gagné !

Mais enfin, pour la première fois j’ai droit à du foot à la télé en Inde et dans les journaux. Pas seulement la Premier League anglaise, la rivalité Ronaldo- Messi, la Bundesliga ou les Tricolores. Jusqu’ici Platini ou Zidane étaient avec Alain Delon presque les seuls Français qu’on pouvait me nommer dans la rue.

C’est qu’une Indian Super League de 8 clubs vient d’être créée avec des capitaux privés : elle ne joue que d’octobre à fin décembre entre les grandes chaleurs et la mousson, visant à populariser le ballon rond. Sous les projecteurs, sous le regard ignorant/égaré de jolies vedettes de cinéma, on voit s’escrimer des stars vieillissantes: Nos Français Nicolas Anelka (Bombay), Robert Pires (Goa) ou Trézeguet, côtoient les Italiens Del Piero et Materazzi, le Brésilien Elano, etc. On doit aligner un minimum de six étrangers par équipe. Il s’agit de hisser la gigantesque Inde dans le sport globalisé (où elle ne brille guère en dehors du cricket, donc) et qualifier l’Inde à la coupe du monde de 2026. Une tâche de longue haleine. Les indiens sont souvent chétifs et peu motivés. Zico, ex-gloire brésilienne et entraîneur de Goa, est brutal: “les footballeurs indiens n’ont pas les concepts de base. Physiquement ils sont loin derrière”.

Finalement c’est Atletico de Kolkata, battant Kerala Blasters 1-0, qui a été sacré le 20 décembre au terme d’un championnat que la presse juge prometteur.